mardi 11 mars 2008

encres et plumes: petites contingences matérielles pour écrire...



G.Courbet Portrait de Baudelaire 1848





P.Wunderlunch Lithographie 1971


"C'est d'abord une tâche sur la poche intérieure de la veste.(....) On ne se sent pas du tout catastrophé; ça ne se verra pas , bien sûr.
(....) On saisit le stylo entre le pouce et l'index, avec une lenteur, une délicatesse superflues: de toute façon, une fois le capuchon dévissé, on aura les doigts tâchés, c'est irrémédiable. On arrache une feuille de cahier, on déploie un kleenex....(....) On extrait la cartouche, on dévisse, on sépare, on essuie tant bien que mal. Tout cela commence à devenir envahissant, à prendre des proportions vaguement grotesques, sans rapport avec la modestie de la fuite.
Mais c'est ça qui est bon. Au temps des pointes feutre performantes, des billes extrafines...(...), il faut rendre au stylo baveur son épaisseur béate et molle, cette espèce de candeur dans l'épanchement qui suscite à la fois colère et sympathie.Pas un esclave austère et fonctionnel: un corps bien rond vivant sa propre vie! (...)
Il faudrait un bon buvard rose, comme à l'école d'autrefois. C'est là qu'on se retrouve les doigts collants: on a huit ans. On rouspète pour la forme, mais un sourire imperceptible monte aux lèvres. On ne se dépêche pas trop d'aller se laver les mains."
Ph.Delerm "Délit de fuite" in La sieste assassinée 2001

2 commentaires:

catherine a dit…

merci, Maryline, pour ta longue et belle réponse à mon message et pour cette intervention d'aujourd'hui qui prolonge le thème de l'écriture. Hélas il me semble que la vériatable écriture est en train de s'enfuir, loin de moi, pour se figer dans la pure littérature. J'écrivais beaucoup de lettres au stylo plume mais le long temps de silence, de pensée, de perfectionnement que cette activité personnelle, artisanale et intime, exige, m'est dérobé désormais; je n'ai plus la disponibilité de l'esprit et du coeur pour cette empathie qu'est le dialogue épistolaire profond et sincère. Mon temps est happé, dévoré ,par tout ce qu'il FAUT absolument faire, efficacement, rapidement, méthodiquement, utilement dans le domaine du travail!

Maryline M.L. a dit…

Que tout cela me désole , Catherine!
Le temps qui nous échappe à une vitesse fulgurante et nous manque pour faire ce qu'on aime, pour trouver sa respiration profonde, est d'une terrible frustration (j'en mesure le poids aussi). Mais je connais ta belle plume et je suis convaincue que tu vas retrouver ces moments privilégiés si denses et intimes, de retour sur soi et de dialogue avec l'autre, à travers de belles et longues lettres...Cela ne peut être autrement . Patience....demain est un autre jour :)